Vital Kamerhe entre farandole et bombe sociale

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À la queue leu leu, sous les vivats des dialoguistes et d’un Edem Kodjo débonnaire, Vital Kamerhe et les signataires de l’accord conclu à la Cité de l’Union africaine brandissent fièrement le document devant les caméras. Alors que Joseph Kabila avait envisagé d’enjamber les limites constitutionnelles, tout seul comme un grand, Vital Kamerhe vient de l’aider à le faire sur chaises à porteurs, avec lui-même en porteur en chef. Cette farandole exhibée devant les caméras va se prolonger jusqu’à la primature où l’ancien président de l’assemblée nationale va être intronisé. Le sémillant Kamerhe ne va pas seulement hériter du fauteuil de Matata Ponyo mais également d’une situation sociale des plus explosives avec un budget 2017 réduit équivalent qui dépasse à peine la moitié de celui de 2015, selon un article de Radio Okapi. Une perspective qui ne refroidit guère l’euphorie du futur premier ministre. Inconscience ? Opportunisme effréné et irréversible ? Sentiment d’être investi d’une mission pour la RDC ?

Considérons que Kamerhe est habitée par la passion pour la RDC et que c’est sa seule boussole, l’expression de ce patriotisme tranche, cependant, avec une forme de légèreté en déphasage avec la gravité de la situation. Alors qu’il vient de signer un document consacrant le mépris de la constitution, alors que le jour même une roquette tirée par les Fardc venait faucher quatre vies dans une école au Kivu, alors que quasiment au même moment gouverneur, fanfare et majorettes accueillaient le criminel et cannibale Gédéon Kyungu au Katanga, alors que des civils à bout ont décidé d’en découdre eux-mêmes à mains nues avec les ADF Nalu, alors que Kinshasa érige des montagnes d’ immondices et baigne dans un environnement pestilentiel, alors que des impayés de salaires s’amoncellent, alors que les prix flambent, alors que, alors que… Kamerhe ne semble concerné que par l’application des résolutions du dialogue.

Personne n’a jamais mangé les élections

À la Cité de l’UA, les dialoguistes ont agi comme si la crise congolaise se réduisait à un problème de calendrier électoral. Toutes les énergies ont été focalisées sur le partage du pouvoir pendant le glissement avec, en ligne de mire, la succession hypothétique de Joseph Kabila. C’est ainsi que dans le document final, la mission du gouvernement de transition est circonscrite en « la préparation et l’organisation des élections dans les nouveaux délais négociés ». Comme on aurait pu s’y attendre, sachant que la perspective de remaniement occasionne une frénésie des détournements dans les ministères, le document issu du dialogue n’a même pas exigé que les caisses de l’État soient sécurisées en limitant les décaissements. Comme pour bien signifier que l’équipe de Kamerhe ne sera qu’un gouvernement de mission, l’encore premier ministre Matata Ponyo est allé présenter, mardi 25 octobre dernier, le budget 2017 à l’assemblée nationale comme si de rien n’était. Et ça sera un budget d’austérité en recul de 15 % alors que la crise socioéconomique a atteint des sommets.

Sous Vital Kamerhe, sur le plan socioéconomique, le pays sera sur pilotage automatique et cela ne semble nullement le préoccuper. Au mieux, il est dans le déni, au pire il fait passer son ambition personnelle et l’état de ses finances avant ceux des Congolais. Avec une économie qui accuse un rhume carabiné, des finances anémiées, le prochain gouvernement ne pourrait, de plus, bénéficier des aides extérieures notamment des pays occidentaux, de l’Europe des États-Unis remontés contre un accord jugé très imparfait.

Il viendra un moment où la maison Congo commencera à craquer de partout, plus encore qu’aujourd’hui, Kamerhe comprendra alors qu’aucun peuple n’a jamais mangé les élections et qu’il a eu tort de regarder les scrutins différés comme une fin en soi.|Botowamungu Kalome (AEM)