Gbagbo président ? J’applaudis !

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En empruntant ses raccourcis récurrents, dès lors qu’il s’agit de la politique africaine, et en affichant une sévérité à la tête du client, les auto-proclamés « maîtres du monde » ont décidé de se substituer aux institutions de la Côte d’Ivoire. Et de dénier à ce pays l’essence même de l’existence d’un État : la souveraineté. Entre une « Commission électorale indépendante » composée très majoritairement des représentants de l’opposition et un Conseil constitutionnel dont les membres seraient proches du président sortant, le Conseil de sécurité de l’Onu, les États-Unis, l’Union européenne, la burlesque Union africaine, la France et même le moribond parti socialiste français ont décrété que la vérité était détenue par la Commission électorale présumée indépendante. Ces puissances détiennent, peut-être, les preuves de la défaite de Laurent Gbagbo, mais leur prise de position a-t-elle été équitable depuis toujours ? Rien n’est moins sûr.

De quoi parle-t-on ici ? D’un pays dont le président, Laurent Gbagbo, normalement élu a été empêché d’exercer son mandat dès la deuxième année. Au lieu de dénoncer une rébellion qui venait d’échouer dans sa tentative de coup d’État, la France et la Communauté internationale l’ont plutôt confortée en créant une zone tampon offrant ainsi le nord du pays à ce mouvement qui ne s’est pas privée de commettre des actes abominables y compris des assassinats à caractère ethnique. Pire, aucune pression n’a été faite sur cette rébellion pour qu’elle désarme ! Et quand Gbagbo posait le désarmement de ces forces comme préalable pour aller aux élections, il était accusé de vouloir prolonger indéfiniment son mandat. C’est ainsi que toutes les médiations de la crise ivoirienne ont abouti à des accords qui déchiraient, à chaque fois, une ou plusieurs pages de la constitution ivoirienne. Et c’est encore et toujours Gbagbo qui a dû prendre sur lui la décision de rendre éligible un Alassane Dramane Ouattara qui ne pouvait l’être qu’en tordant le bras au peuple ivoirien. Ironie du sort, Ouattara lui-même avait appelé à voter pour la constitution révisée qui excluait sa candidature à la présidence.

Ces élections exécrables que vient de connaître la Côte d’ivoire étaient, dès lors, inéluctables. En experts de caisse de résonnance d’une lecture infantilisante de la vie politique africaine, les médias occidentaux et la mission des Nations-unies en Côte d’ivoire ont décidé d’ignorer les rapports circonstanciés des observateurs africains qui ont noté des cas flagrants de fraude dans le nord contrôlé par la rébellion. Les puissances occidentales désignent Gbagbo comme fraudeur, ce qui n’est pas une hypothèse à écarter, mais oublient de se souvenir de la tentative de fraude monumentale découverte au sein de la Commission électorale indépendante avant l’élection. Le précédent président de cette commission, qui était issu des rangs de l’opposition, avait essayé d’introduire, souvenons-nous, 300.000 faux électeurs. Tentative de fraude qu’il avait reconnue, du reste, devant la justice. Et l’on n’évoque même pas ces bureaux de vote du nord où le nombre des votants dépassait celui des inscrits !
Cette façon de s’accommoder avec ces fraudes, et d’une manière générale d’une rébellion condamnable à tous points de vue, est pire qu’un procédé néocolonialiste, c’est trouver les Ivoiriens et les Africains d’une manière générale indignes de la démocratie, de la paix et de la liberté de décider souverainement de leur destin. Le dire fortement n’est pas soutenir Laurent Gbagbo, ni approuver l’ensemble de son œuvre qui a sa part d’ombre, mais c’est refuser une façon de traiter l’Afrique qui en fait le marchepied du cynisme de l’Occident mais aussi de ses fonctionnaires des Nations-unies dont l’arrogance en Côte d’ivoire devient la caractéristique principale de la tonalité de leur discours.

Ouattara est fâché avec l’alternance conforme à la constitution

Autant Laurent Gbagbo est connu pour nouer et dénouer avec ruse des alliances exclusivement à son avantage, autant Alassane Dramane Ouattara a montré, très tôt, son envie d’enjamber la constitution pour gagner la présidence de la République. Lorsque le président Houphouët Boigny disparaît, l’alors premier ministre essaye d’empêcher le président de l’assemblée nationale, Henri Konan Bédié, d’assurer l’intérim comme prévu par la constitution. Ce ne sera qu’une partie remise car il a été, au pire, le cerveau, au minimum, la caution politique, la face civilisée d’une rébellion qui a voulu écourter le mandat de Laurent Gbagbo. En répondant à la question « À qui a profité la rébellion ? », on arrive aisément à identifier ses vrais commanditaires.

Pour avoir accordé une légitimité sans contrepartie à la rébellion, la France et la Communauté internationale l’ont consacrée comme une forme de régulation de la vie politique admise en… Afrique. Que l’opposition ivoirienne conteste une décision du Conseil constitutionnel, cela relève de la vie normale d’un pays, mais que la France et l’ONU disqualifient, à moins de 24 heures, la décision du conseil constitutionnel d’un pays souverain, cela est étonnant. Ce soutien précipité, bruyant et ostentatoire apporté à Ouattara n’est pas le genre de légitimité qui sert un homme politique dans un pays où le peuple vit un patriotisme vif pour ne pas dire vigoureux quelquefois. Gbagbo aurait dû sans doute s’appeler Ali Ben Bongo, Blaise Compaoré, Denis Sassou N’Guesso, Joseph Kabila, Paul Biya, Faure Gnassingbé Eyadema… Ou la Côte d’ivoire aurait dû être aussi peu juteuse que la Guinée dont personne ne s’est soucié de vérifier si la décision d’entériner la victoire « improbable » d’Alpha Condé était juste ou pas.

Pour toutes ces raisons, j’applaudis la réélection de Laurent Gbagbo tant que des parties désintéressées n’apporteront pas la preuve que l’élection au nord n’a été entachée d’aucune irrégularité.|Botowamungu Kalome (AEM)