Johanna Rolland, maire de Nantes, a demandé l’impossible à Manuel Valls

Avatar photo

Nantes n’a pas du tout suivi Johanna Rolland, son maire, dans son appel à voter pour Manuel Valls à la primaire de la gauche.  C’est à se demander même si son appel n’a pas mobilisé… contre l’ancien premier ministre qui a pointé 15 points (25 %) loin derrière Benoît Hamon (40 %). En effet, dans un élément vidéo réalisé par le quotidien local Presse Océan, le maire de Nantes appelle au réalisme des électeurs de gauche : « Manuel Valls est, sans doute, celui qui est le plus en situation d’amener la gauche au deuxième tour de l’élection présidentielle ». Lucide, Johanna Rolland n’a pu éviter de confesser « un soutien exigeant » car ayant connu « de profonds désaccords » avec son champion. Mieux, certains diraient pire, elle reconnaît le caractère clivant de son candidat et l’a invité à « créer les conditions de rassemblement ». C’était demander l’impossible à l’intéressé qui, dès le lendemain du premier tour, a stigmatisé certains musulmans en relevant « la complaisance » de Benoît Hamon à leur égard. Derrière, ses lieutenants ont traité ce dernier d’« islamo-gauchiste ».

Dans sa description élogieuse, le maire de Nantes dépeint involontairement Manuel Valls sous les traits de Sarkozy : « énergie, autorité et solidité », des traits de caractère qui renvoyaient malheureusement à quelque chose que les Français ont rejeté en 2012 plus qu’ils n’avaient élu François Hollande. Et quand le qualificatif d’ « homme d’État » vient prolonger ces éloges, beaucoup ne manquent pas de rappeler que l’ancien premier ministre a repris, dans son projet, la défiscalisation des heures supplémentaires alors qu’il a refusé de rétablir cette mesure de droite quand il était aux responsabilités. Un Nantais s’interroge à ce sujet : « Peut-on qualifier d’homme d’État un politique qui a privé des millions de travailleurs pauvres des revenus supplémentaires pour une question de posture ? Et que dire du fameux 49.3 qu’il critique désormais après en avoir usé et abusé ? ».

« Musulmans et binationaux en pâture »

Le soutien du maire de Nantes a semé le trouble également auprès de certains militants issus de la diversité et qui ont toujours cheminé avec le Parti socialiste dans ses marches électorales victorieuses. Ceux-ci rappellent « la stigmatisation des binationaux » à travers la tentative avortée d’inscrire la déchéance de la nationalité dans la constitution. Si François Hollande a ouvertement et fortement regretté cette initiative, Manuel Valls en a encore martelé la « pertinence et la légitimité » lors du débat de la primaire. Et l’intéressé d’interpeller Johanna Rolland : « Peut-on rester silencieux face à la stigmatisation des musulmans et des binationaux par Manuel Valls au national et prôner le vivre ensemble au local ? Désormais ce discours sonnera faux à mes oreilles ».

Johanna Rolland s’est-elle coupée de son électorat ?

Y aurait-il désamour désormais entre le maire de Nantes et ses électeurs et, d’une manière générale, avec ses administrés ? Ce seul épisode ne peut permettre de l’affirmer mais l’on peut noter la très faible audience de la vidéo du soutien à Valls : à peine 465 vues sur Youtube pour une ville de près de 300.000 Nantais et une métropole de plus de 550.000 habitants. Quant aux Nantais issus de la diversité, beaucoup profitent de ce débat pour souligner «l’absence de diversité au sein du personnel municipal et pire dans les postes d’encadrement, alors que beaucoup d’autres arrivent comme contractuels ». Et il ne s’agit pas là du seul reproche : « des dizaines de demandes de logement ou de mutation qui restent sans réponse pendant des années malgré des situations de surpopulation et des problèmes de santé. Nantes Métropole Habitat présidée par un adjoint au maire est cynique ». Un autre d’ajouter comme pour tout expliquer : « Nantes est la seule ville en France qui refuse de légaliser la signature des Nantais qui ne sont pas Français pour des dossiers de succession ne dépassant pas 5.500 euros. C’est discriminatoire et illégal pourtant ». On semble retrouver dans ces propos, les mêmes arguments qui avaient décidé Arnaud Kongolo de quitter le Parti socialiste et de présenter, lors des dernières municipales, une liste contre Johanna Rolland.

C’est le dimanche 29 janvier prochain qu’on mesurera, avec plus d’exactitude, l’impact du message de Johanna Rolland. En cas de victoire ou de défaite de Manuel Valls et selon que l’écart sera énorme ou faible, il ne serait pas interdit de se poser la question de savoir si elle est toujours en phase avec son électorat. Qui ne pourrait pas non plus comprendre, en cas de défaite de l’ancien premier ministre, qu’elle soutienne Emmanuel Macron comme le laissent entendre certaines rumeurs. |Botowamungu Kalome (AEM)