Les journalistes camerounais pris en flagrant délit d’incompétence sur la mort de Mandela ou l’impossible anticipation ?

Le Cameroun compte tellement de spécialistes que le travail que je fais en ce moment devrait revenir à des communicologues comme le Professeur Paul Célestin Ndembiyembe. Oui, c’est un spécialiste des techniques communications orales et écrites. L’annonce du décès du Président Nelson Mandela par Jacob Zuma le jeudi 5 décembre 2013 à 22h45, a montré les limites du journalisme camerounais en matière d’anticipation. Les premiers messages de condoléances ont commencé à tomber dès 22h50 dans les rédactions. En France, en Angleterre, au Gabon, en Guinée équatoriale, tous les quotidiens avaient en page de couverture Nelson Mandela. Au Cameroun seul Mutation a pu avoir cette capacité d’anticipation. Les autres sont passés largement à côté pour le présent comme pour le futur et en matière de communication et d’information, impossible de rattraper une telle défaillance.

Le site Internet du Monde à 00h05 minutes comptait déjà 56’739 visites contre 33’ 512 la veille à la même heure ; c’est dire si l’anticipation est un bel outil du professionnalisme dans le monde du journalisme aujourd’hui. Le message de condoléances du Président de la République n’a été rendu public que le samedi 7 décembre sur le site de la présidence de la République et quelques heures après sur le site CIN.

Pourtant le journalisme comme nous l’apprenions à l’école il y a, c’est vrai une vingtaine d’années, c’est de l’endurance, une certaine dextérité et une force de frappe avec pour finalité de retenir l’attention du citoyen et de s’accaparer son « temps de cerveau disponible » comme aimait à nous le dire Philippe Dessaint. Les Comtes de la presse camerounaise, Jean-François Chanon du Messager, Jean Bruno Tagné du Jour, Yves Atanga de Cameroon Tribune, ont bu la tasse ! Même sur les pages personnelles ils n’ont pas pu se rattraper ; c’est vrai, il nous est difficile d’évaluer les tendances de vente de ces journaux pour la journée du vendredi 6 décembre, mais nous pouvons penser que les lecteurs sont allés chercher l’information dans les médias dits « alternatifs ».

Nos belles plumes ont oublié que le journalisme était un art martial, qu’il fallait avoir le regard aiguisé, une véritable vitesse et le sens aigu de l’anticipation. Voilà la presse camerounaise incapable de rapporter un fait attendu et préparé depuis des mois, incapable de mettre à jour des articles rédigés au moins depuis le mois de mai 2013 date de la première annonce au moins de l’ancien président Sud-africain. Ils n’ont pas pu donner un sens à cet événement planétaire, ils sont passés à côté de la fonction sociale du journalisme. Nos journalistes se sont révélés être « des journalistes assis ».

Le journaliste est un engagement politique.

Quand on l’a dit alors il faut rapidement recadrer les choses ; il ne s’agit pas de se rassembler tous les matins dans la chambre d’un homme politique monté de toutes pièces pour le servir aux Camerounais. Non, il s’agit ici d’être capable par la plume, par sa voix de divulguer des faits qui impactent le « vivre – ensemble », voilà pourquoi par essence, le journalisme est au cœur de la vie de la Cité. Le silence de la presse camerounaise dans la mise en scène du décès de Nelson Mandela a étouffé le désir impérieux de leur sa vocation : rapporter les faits d’intérêt général, par le citoyen et pour le citoyen. Aujourd’hui la communauté des lecteurs est en droit de se poser des questions sur la volonté de cette caste élitaire de rendre l’information. Nos journalistes sont donc vraiment si déconnectés de la collectivité nationale ? Alors, si oui, nous comprenons l’impopularité du métier auprès de l’opinion publique.

Le journalisme est une joute oratoire

Messieurs les journalistes, allez à la quête donc du mot juste, sachez le trouver, ciseler votre style et pour une fois user de l’expression qui saura faire mouche. Montrez-nous au quotidien, dans une implication presque charnelle que vous avez la passion du mot, la passion de la littérature. Hier nous étions fiers de Philippe Essomba, Henri Bandolo, on a eu l’impression d’ailleurs que la flamme a été passée, Jean Bruno Tagné, Christophe Bobiokono ! Mais que non ! Messieurs les journalistes, racontez-nous le réel en y incluant la grâce, la classe et le panache. Nous voulons un journalisme à l’écriture acérée, un soupçon d’ironie et surtout l’art délicat de la concision, même quand il s’agit de rapporter des faits dramatiques. Messieurs, il est temps de réinventer l’éloquence, avec un titre accrocheur, une pirouette sémantique, comme le faisait, autrefois, le jeune Charles Ndongo ; c’était en radio. Trouvez-nous des chutes d’article à la vérité explosive, mais faites-le avec le tact du troubadour et la rigueur du scientifique. Soyez simplement journalistes. |Dr Vincent-Sosthène Fouda