« La Sensuelle Shako » : les bourgeons d’une rumba renaissante à Nantes

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Le saxophone a du bon et la musique congolaise s’en est sevrée… à tort. Comme un masterchef qui saupoudre délicatement une entrecôte avec une pincée d’assaisonnements, la guitare de Dady Boussole lâche des notes graciles aussitôt suppléées par un saxo qui apporte de l’entrain mais avec une pointe de mélancolie qui ne trompe pas sur la suite : dans la chanson La Sensuelle Shako, Papy Mpombolo Tubeless chante un amour qui s’en va, sans un regard derrière. Le thème de l’amour est, bien évidemment, récurrent mais l’auteur égrène des tournures inédites pour une expression originale : « Soki oboyi ngai, kobwaka bolingo na biso na fulu te, tiya yango ata dans un coin perdu ya motema na yo, mpo tango mosusu makanisi mabongwana yo, o restaurer bolingo na biso » (Traduisez : Si tu tiens à me quitter, ne balance pas notre amour dans la poubelle, garde-le dans un coin perdu de ton coeur ainsi si, par bonheur, tu retrouves la raison, il sera à portée de main et tu pourras le ressusciter). Une poétique invitation à ne jamais rompre avec fracas et à ne jamais dire : « Jamais ».

La complainte de l’homme éconduit dans cette chanson pourrait se résumer par ce passage qui aurait pu être une tirade de légende dans une pièce de théâtre ou une réplique culte dans un film : « Linga ngai ou permettre ngai nalinga yo, natikeli yo choix ». Traduisez : « Aime-moi sinon permets-moi de t’aimer, je te laisse le choix ». Une façon de dire : « Tu as le choix entre m’aimer et m’aimer ». Outre quelques maximes populaires comme « Mbwa akamwaka singa ya kingo te » (Le chien ne redoute pas le collier), l’auteur s’interroge : « Puku ya ndako soki akoti zamba, est-ce que ba cheangeaka ye nkombo ? Bongo ngai mutu bolingo ezotika, babenga nga nani ? » (Quand un rat quitte une habitation pour devenir sauvage, lui change-t-on d’appellation ? Comment m’appelleriez-vous, moi que l’amour est en train de quitter ?)

Après un premier album assez bien élaboré et qui s’était situé dans le phrasé et la tonalité de la génération Wenge, Papy Mpombolo de l’orchestre nantais System A s’est essayé au style appelé vulgairement « rumba ». Dans La Sensuelle Shako, l’auteur s’affranchit de la césure couplet/refrain et alterne du début à la fin solo et choeur calibrés de manière quasi égale. Et cela sans monotonie, car trois autres chanteurs font également la voix lead, notamment Guelor Kavena dont on découvre la voix cristalline ainsi que Luciana Demingongo qui clôt de la plus belle manière la chanson après avoir sublimé les choeurs comme il l’avait fait, dans une autre vie, dans Liputa de Fally Ipupa.

Cette chanson dédiée à la Nantaise Agnès Shako, une beauté des rives de Sankuru née et qui a grandi à Kisangani, est une sorte de vent doux matinal qui apporte des nouvelles rafraîchissantes et rassurantes de la rumba congolaise.

Tiens, un petit détail pour la route : avant même la sortie commerciale de sa chanson le chanteur Papy Mpombolo est passé, avec armes et bagages, dans le camp de la musique dite chrétienne.|Botowamungu Kalome (AEM)

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