Prix Nobel : Désolé, on ne répare pas une femme

Avatar photo

Après l’ancien premier Patrice Lumumba, « Prix Nobel de la Paix », le docteur Denis Mukwege vient de gagner la plus grande notoriété internationale jamais connue par un Congolais. Si l’homme politique avait succombé atrocement sous les coups des impérialistes occidentaux, le médecin de Panzi (nord-est)  de la RDC, lui, passe derrière des affreux militaires et rebelles rwandais, derrière des ignobles militaires, rebelles et miliciens congolais qui ont érigé le viol en arme de guerre. Ces odieux vont jusqu’à violer avec un bâton, une baïonnette, le canon d’un fusil… Ce qui place le médecin nobélisé en situation de soigner d’effroyables mutilations génitales et des blessures psychologiques dont certaines irréversibles. « Chapeau l’homme qui répare les femmes !» Pardon ? Vous avez dit qui ?

Dans le concert des louanges planétaires, cet héroïque soignant est désigné comme « l’homme qui répare les femmes ». D’où vient que l’on parle de « réparer » des femmes comme on réparerait une voiture cabossée, un mur affaissé, un lave-linge encrassé, une mobylette déglinguée ? D’où vient que l’on ne parle de « réparation de femmes violées » uniquement pour les victimes congolaises ? Pour la victime d’une excision au Mali ou au Sénégal, d’une jeune fille violée en France ou d’une victime d’un viol collectif en Inde, on parle simplement d’intervention chirurgicale. Comme d’ailleurs pour Luhaka, ce jeune Congolais violé en France par un policier à  l’aide d’une matraque télescopique.

Réparer comporte un objectif de fonctionnalité à rétablir, le docteur Mukwege ne soigne pas pour remettre ces femmes en service. Le tout frais « Nobel de la Paix » s’emploie plutôt à réhabiliter ces femmes blessées au propre comme au figuré, il s’efforce à leur redonner la rage et la joie de vivre.

D’où viendrait que ces soins physiologiques et psychologiques, pas du tout spécifiques à la RDC, jouissent d’une désignation aussi étrange ? N’y aurait-il pas là une volonté condescendante de caractériser, de tropicaliser une souffrance afin de la distinguer, de la différencier d’un autre fléau… identique ? La singularité de la motivation et le mode opératoire des violeurs autoriseraient-ils cette douteuse allusion ?

D’où vient, d’où viendrait, Patient Ligodi, Rachel Kitsita, Israël Mutala, Glorya Nseya, Tchèques Bukasa, Christine Tshibuyi et Stanys Bujakera Tshiamala, que vous ameniez vos lecteurs, auditeurs et téléspectateurs à  répéter machinalement avec vous « L’homme qui répare les femmes », « L’homme qui répare les femmes » ? Ayons, au  moins, la souveraineté sur la désignation de nos maux. Ainsi, c’est d’une manière très souveraine aussi que nous pourrions désigner comme « Mende » toute démence qui se manifeste quand on a fini de faire la pute dans tous  les camps politiques.|Botowamungu Kalome (AEM)