Serge Samba Ngata : « Botowamungu, vous avez pactisé avec Ndenguet »

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Botowamungu Kalome, Rédacteur en chef AEM
Botowamungu Kalome, Rédacteur en chef AEM

Afriqu’Échos a reçu dernièrement un courrier fustigeant un article de notre rédacteur en chef publié le 31 juillet 2013 et intitulé Xénophobie : Brazzaville en surchauffe. Serge Samba Ngata, auteur de cette lettre ouverte, accuse notre rédacteur en chef Botowamungu Kalome d’avoir pactisé avec Ndenguet, le controversé directeur général de la police du Congo-Brazzaviille. L’intéressé va même plus loin et parle de « motivations mercantiles » et de « poltronnerie ». Nous vous proposons l’intégralité de ce courrier ainsi que la réponse de Bokal.


Bonjour M. Botowamungu,

Je me souviens de votre article lorsque, il y a quelque temps, M. Ndenguet avait expulsé des kinoises présentées comme des filles de joie, dans des conditions que tout le monde trouvait inhumaines.
Tout le monde sauf vous, M. Botowamungu. Votre article était d’une complaisance ahurissante envers les autorités brazzavilloises. Je m’étais interrogé sur vos motivations : intérêts mercantiles ou poltronnerie ? ou les deux ? Je vous laisse choisir.

Vous êtes incontestablement un intellectuel congolais et vous êtes l’un des rares congolais à savoir manier la plume. Mais comme la plupart des intellectuels congolais (et autres), vous avez toujours eu peur d’aller au clash face à l’adversité. Et vous pactisez rapidement avec l’adversaire (je devrais dire l’ennemi) en exploitant toutes vos ressources intellectuelles afin de justifier l’injustifiable ou d’excuser l’inexcusable. L’intellectuel Ka Mana, lui aussi, s’était livré, en son temps, à la même compromission à l’égard du rebelle Nkunda. C’est ce que vous aviez fait dans votre article, exonérant les autorités brazzavilloises de toute intention vexatoire. Je vous invite à relire votre article, auquel j’avais eu l’intention de répondre. Et je regrette vivement aujourd’hui de ne l’avoir fait.

Vous savez, un pays a aussi besoin de ses intellectuels pour son développement. Mais au point où en est la RDC, on a moins besoin d’intellectuels lénifiants que d’intellectuels-soldat (intellectuels homme d’action, un peu « Yankee » sur les bords), afin d’imposer (au besoin par la force) la logique, le Droit et le bon sens. Mais vous, M. Botowamungu, vous n’en êtes pas.

Quand vous aviez pactisé avec M. Ndenguet lors de l’expulsion de kinoises, en fait vous aviez peur des autorités brazzavilloises. Et j’ai eu tout de suite à l’esprit cette merveilleuse formule de Winston Churchill , après le Traité de Munich : « Entre la guerre et le déshonneur, ils ont choisi le déshonneur. Eh bien, ils auront la guerre. » Et nous y voilà, M. Botowamungu ! Vous n’aviez pas voulu dénoncer, par lâcheté, une expulsion brutale ciblée. Et aujourd’hui, vous avez une expulsion massive tragique. Avec sa cohorte de dépouillements, de viols et de morts. J’attends votre article.

Serge Samba Ngata


Botowamungu : « Cher Serge Samba Ngata, je vous concède la noblesse de l’insulte »

« Complaisance ahurissante envers les autorités brazzavilloises », « Je m’étais interrogé sur vos motivations : intérêts mercantiles ou poltronnerie ? ou les deux ? », « Vous avez toujours eu peur d’aller au clash face à l’adversité », « La RDC a besoin d’intellectuels soldats, vous n’en êtes pas »(un ndlr). Percutants, ces mots de Serge Samba Ngata le sont, mais le fond est-il ou devient-il alors pertinent ? Je vous laisse vous forger votre propre opinion en vous soumettant quelques extraits de l’article incriminé.

Déjà, d’une manière explicite l’article était intitulé « Xénophobie : Brazzaville en surchauffe ». Et dès le deuxième paragraphe, je parle ouvertement de l’incitation à la xénophobie : « Dans les deux cas, ce sont deux institutions importantes qui sont en cause : la police et l’armée chargées d’assurer indistinctement la sécurité des biens et des personnes se trouvant sur le sol du Congo mais également de veiller à ce que leur dignité soit sauve en toute circonstance. Et pourtant, elles sont, pas seulement coupables de voies de fait, mais d’incitation de fait à la xénophobie, au racisme envers les Congolais de la RDC. » J’ai même poursuivi : « Le directeur général de la police nationale du Congo-Brazzaville ainsi que l’armée de ce pays n’ont aucune excuse sur ces deux situations et Denis Sassou- Nguesso s’honorerait à sanctionner ces faits et à veiller à ce qu’ils ne se reproduisent pas. »

Cependant, au regard de certaines réactions teintées d’un nationalisme étriqué des Congolais de la RDC, il m’a paru important de souligner que dans les deux cas qui avaient enflammé la toile, Ndenguet menaçait les criminels (kuluna) originaires de la RDC mais pas du tout les Congolais dans leur ensemble. J’ai même conclu en écrivant : « L’on ne peut, bien sûr, occulter la réalité du sentiment anti-Congolais de la RDC et l’on doit, à juste titre, craindre que l’attitude de Ndenguet et des militaires “ déshabilleurs ” ne contribuent à les entretenir et à les exacerber. »

Portant un jugement sur mes écrits et sur ma personne, vous affirmez : « Vous avez toujours eu peur d’aller au clash face à l’adversité. Et vous pactisez rapidement avec l’adversaire (je devrais dire l’ennemi) en exploitant toutes vos ressources intellectuelles afin de justifier l’injustifiable ou d’excuser l’inexcusable. ». Pour votre information, sachez qu’une très haute autorité de Brazzaville m’avait menacé de poursuites judiciaires si je ne retirais pas de notre site un article dans lequel je le mettais en cause. Je ne me suis jamais exécuté.

Quant à l’avènement « des journalistes soldats, un peu yankee », sachez que je ne le suis pas effectivement et que ma nationalité ne me fera jamais écrire une seule ligne qui ne me paraisse conforme à la vérité, à la réalité.

J’aimerais terminer cette brève mise au point en vous remerciant de l’intérêt avec lequel vous me lisez mais aussi de la sévérité avec laquelle vous analysez mes écrits. Sans les lecteurs, auditeurs et téléspectateurs exigeants et réactifs, le journaliste a tendance à penser qu’il a l’exclusivité du savoir et le monopole de la bonne analyse. Cela le transforme en censeur, en procureur ou en lance-voix d’un nationalisme à fleur de peau. Je compte sur vous pour continuer à lire mes articles avec sérénité sans me faire dire ce que je n’ai pas dit. Et puis, ma mission n’est pas d’aller en guerre contre tous ceux qui s’en prennent à la RDC et aux Congolais, mais d’aider indistinctement tous ceux qui me lisent à mieux appréhender les faits pour en avoir une lecture intelligible afin d’en comprendre les enjeux et de se projeter vers un avenir meilleur. Le tout avec une grosse modestie intellectuelle. |Botowamungu Kalome (AEM)