La libre circulation en Afrique centrale n’est pas un décret politique mais une volonté des peuples

La polémique née avec la déclaration du Président équato-guinéen Obiang Nguéma Basogo ou de son gouvernement sur le refus qui serait celui de son pays à ajourner la libre circulation des hommes dans l’espace CEMAC initialement programmée pour le 1er janvier 2014 appelle pour moi la réaction suivante :

L’ambition politique d’intégration est réelle dans cette zone de l’Afrique Centrale et elle l’est avant les indépendances avec des tentatives de construction des États qui allaient au-delà des frontières que nous connaissons aujourd’hui. Souvenons-nous que dans les années 30 la ville de Bitam (actuellement au Gabon) faisait partie du Cameroun, que la Guinée Équatoriale au moment de négocier son indépendance avait demandé son rattachement au Cameroun avec lequel les populations partagent les mêmes us et coutumes tout comme d’ailleurs les populations du Gabon, du Congo et de la République Centrafricaine. C’est la culture politique qui sépare ces États-Nations. Il faut donc être capable de porter un regard qui transcende le tracé des frontières et les discours politiques. Les populations de l’Afrique Centrale n’ont jamais été consultées ni associées pour la mise sur pied des institutions et des organisations comme la BEAC, l’UDEAC, la CEMAC et autres. La circulation des hommes voire des biens est un fait en Afrique Centrale mais elle manque de liberté car les politiques n’ont pas compris que tout doit être fait pour les peuples et non pour les institutions. Les frontières de la CEMAC sont connues c’est un avantage, les populations expriment ne serait-ce que par leurs déplacements de part et d’autre des frontières leur volonté de construire un « nous-commun » qui va au-delà des volontés politiques et du dictat des forces économiques. En vérité, la Guinée Équatoriale et ses dirigeants se trompent sur « la libre circulation des personnes ». Il faut avoir le courage de le lui dire sans être soupçonné d’ « équatoguinéphobie ».

Je suis le premier à dire que la libre circulation en zone CEMAC ne va pas se faire sur une adhésion de « bonne conscience » qui ne tiendrait pas compte des écarts salariaux de part et d’autre des frontières mais il n’est pas possible de parler d’harmonisation des salaires car la libre circulation dont il est question ici en premier, n’est pas celle de la main d’œuvre mais celle des populations qui ont besoin les unes des autres dans leur quotidien. En ceci oui c’est la libre circulation qui œuvrera à l’harmonisation des salaires et non le contraire. La CEMAC une fois pour toute n’est pas une zone politique, c’est un territoire aux frontières très souvent naturelles avec des peuples qui n’ont pas besoin des politiques pour se retrouver, certaines zones sont plus peuplées que d’autres mais ici personne ne désigne l’autre comme étranger. |Dr Vincent-Sosthène Fouda*

*Président du Mouvement Camerounais Pour la Social-Démocratie