Max Lobe : le porte-voix des exclus, de l’Afrique à l’Europe

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Le Salon du livre de Montréal, qui s’est tenu du 19 au 24 novembre derniers, a accueilli cette année le jeune écrivain prometteur Max Lobe établi en Suisse. Avec son plus récent roman, La Trinité bantoue paru en août 2014 aux Éditions Zoé, l’auteur camerounais aborde avec humour, tendresse et intelligence les thèmes de l’homosexualité, des rapports familiaux africains, de la xénophobie et du militantisme en Europe.

Originaire de Douala, Max Lobe écrit depuis l’adolescence, il a écrit, instinctivement, mais c’est en 2011 qu’il se consacre à la littérature. Son premier récit, L’enfant du miracle (Éditions des sauvages) se déploie autour de l’enfance africaine et du passage au monde européen. En 2013, un second titre, 39, rue de Berne (Éditions Zoé) remporte le Prix du Roman des Romands (équivalent du Goncourt des lycéens en Suisse romande). Ce succès l’amènera à réaliser des tournées auprès des étudiants des écoles helvètes. Cette histoire aborde sans détour, brillamment le destin des sans papier en sol européen et les tumultes de vivre son homosexualité en tant qu’Africain.

Ce roman aborde également le thème de l’homosexualité dans la littérature africaine contemporaine qui semble encore tabou. Il en a parlé plus d’une fois, notamment dans 39, rue de Berne à travers le personnage d’un petit garçon efféminé vivant dans un village, que l’on stigmatise. Il n’hésite pas à exploiter le filon de l’intimité des rapports gays qui lui est cher. « Il y a un débat à faire sur la question de l’homosexualité, pas seulement en Afrique, mais en Europe également ! », soutient-il. Les récentes manifestations contre le mariage gay en France le confortent dans cette idée.

La Trinité bantoue poursuit sur la lancée, avec ce ton franc qui a fait la marque de l’auteur. Le protagoniste de l’histoire, Mwána, vit avec son petit ami Ruedi, dans des conditions précaires. Stagiaire au sein d’un organisme de défense des droits de la personne, le ventre vide, il tente tant bien que mal de se réaliser professionnellement, de trouver un boulot stable en Suisse, tout en gardant un œil sur sa mère malade au Cameroun. Il évolue autour de personnages haut en couleur, des militants épris de leur lutte contre la campagne des « moutons noirs ».

Préférant rester loin des débats, l’écrivain mise sur une écriture réaliste, sur des phénomènes sociaux et humains auxquels il assiste au jour le jour. Il écrit sur ce qui lui plaît avant de revendiquer, de débattre d’idées. Il évite de commenter avec ses écrits et veut offrir à son lecteur une histoire qui fasse rire, attirer leur attention au terme de cette rigolade. Bien que ses œuvres ne soient pas encore diffusées en Afrique, Max Lobe constate que ses textes plaisent aux lecteurs africains. Il s’étonne de ce succès, de la reconnaissance littéraire qu’on lui accorde depuis 2013 : « J’essaie de rester loin des étoiles, je suis arrivé à la littérature parce que j’avais des choses à dire, à dénoncer ». Max Lobe croit que ses textes auront un apport dans le combat de l’acceptation de l’homosexualité : « Dans 100 ans, on se souviendra de ceux qui en avaient parlé, qui l’ont défendue ».

La sous-alimentation est un autre thème clé de l’auteur camerounais. Pour lui, le besoin de se nourrir précède la littérature, surtout en Afrique : «  On ne réalise pas en Occident la chance de pouvoir manger. On ne mange pas parce qu’on a faim, on mange parce qu’on a de la nourriture », évoque-t-il dans La Trinité bantoue.

Il se préoccupe de voir une telle précarité persister aussi dans une ville comme Genève, où le luxe fraie avec la pauvreté. La Trinité bantoue est traversée par cette revendication et Mwána en incarne le parfait prototype. Jeune en quête d’un avenir sur le marché du travail, il ira jusqu’à manifester en état de sous-alimentation pour le sort des exclus. « La Suisse, l’un des pays les plus riches au monde, abrite encore des gens s’entassant à 20 dans un appartement », déplore l’écrivain. Le sort des sans-papiers le préoccupe et il croit qu’il est de première importance de se pencher sur les causes exactes des exils forcés et de revoir les politiques d’austérité du FMI. Il appelle les Occidentaux à assumer leur part de responsabilité dans ce combat. Max Lobe signe un blog intitulé Les Cahiers bantous– Un regard bantou sur la Suisse |Hélène Boucher(AEM), Montréal, Canada