L’ultime rencontre avec le professeur Côme Mankassa

Le mercredi 17 juin 2015 vers 7 heures du matin, de passage à la rue Mandzomo au plateau des 15 ans, j’ai croisé le professeur Côme Mankassa, devant son domicile, accompagnant ses hôtes. Basé en France, le professeur Côme Mankassa résidait à Brazzaville sur invitation du président Denis Sassou Nguesso pour prendre part à la consultation organisée par ce dernier. Après des prises de nouvelles de nos familles respectives, nous sommes quittés avec la promesse de nous revoir. Je demandai alors à mon père de me prévenir s’il décidait de rencontrer le professeur Côme Mankassa

Le vendredi 19 juin 2015, à 7 heures, je fus brutalement réveillé par mon père : « Si tu veux voir le professeur Mankassa, c’est maintenant… ». Dans la précipitation, j’ai juste pris mon appareil-photo de poche pour immortaliser la rencontre. À 7h50, nous étions chez le professeur Côme Mankassa et mon père l’a d’emblée apostrophé en plaisantant : « Où est ma part du gâteau, car je t’ai vu avec le président à la télévision ». J’ai ensuite assisté à l’entretien de deux journalistes témoins du système colonial et des indépendances, anciens de l’hebdomadaire catholique, d’action sociale La Semaine Africaine. Les deux anciens confrères avaient le même parcours professionnel et avaient été recrutes de la même façon.

De l’enseignement au journalisme, en passant par divers formations pour terminer, pour le professeur Mankassa, par la politique. Il y eut, dans son parcours, cet événement décisif : C’était en classe de CE2, à l’école Sainte Esprit de Moungali, alors qu’il dispensait ses cours, il aperçut le véhicule du Révérend Père Peyre, directeur des écoles catholiques descendre pour venir dans sa classe pour le contrôle: « Monsieur Mankassa, votre cahier de liaison » Furieux, l’enseignant lui répondit : « Vous venez sans passer par la direction de l’établissement, me contrôler sans passer par les classes intermédiaires, je vous trouve emmerdeur ». Sur le champ, il déposa sa démission. Le lendemain, un ami l’informa que le journal « Liaison » avait besoin d’un rédacteur. Il postule et est recruté. Il gagnait 15 000 FCFA à l’école et au journal, 50 000 FCFA. Le Révérend Père Jean Legall va tenter de le ramener à La Semaine. Il le refoule catégoriquement à trois reprises dans son bureau du journal Liaison. Puis intervint Mgr Théophile Mbemba : « Je ne sais pas si tu vas me chasser, comme les autres… » Devant un aîné de la trempe de Monseigneur Mbemba, Monsieur Mankassa fléchit sa position et va intégrer les rangs du journal de l’AEF. Son premier article fut une interview réalisée à Kinshasa avec le premier ministre Emery Patrice Lumumba. Ses articles vont déranger le pouvoir de Youlou qui va tomber et c’est Massamba-Débat arrivé au pouvoir va tenter de l’intégrer au gouvernement. Il refuse l’offre et on l’éloigne pour devoir à l’Ambassadeur du Congo en Israël (…)

Le professeur Mankassa va finir par quitter La Semaine Africaine, à cause des problèmes de santé de son fils aîné et aussi des ennuis politiques avec le régime de la JMR du Président Alphonse Massamba Débat. Il est contraint de quitter le Congo, clandestinement sous la protection de Monsieur Lissouba Pascal. Et poursuivra ses études en France. Dans la décennie 80, il croise Pascal Lissouba en France et lui dit : « Le pays va changer et tu dois te préparer, à prendre les rênes du pays… ». Cette prédiction va se réaliser en 1992. Côme Mankassa est nommé ministre de la culture, poste qu’il l’accepte par reconnaissance au « professeur Pascal Lissouba qui lui avait sauvé la vie par l’exil ».

Dans la foulée de leurs discussions, les deux anciens confrères ont décidé de créer un magazine à vocation panafricaine pour rappeler les premières heures des indépendances en Afrique. Il est 9 heures quand nous nous sommes séparés et je devais recontacter le professeur Côme Mankassa pour la suite du projet avant son retour en France, prévu pour le samedi 27 juin 2015 (…) Le Professeur présentait des signes de fatigue et de tremblement des membres supérieurs, car il avait subi une opération chirurgicale de la carotide en France… 28 jours passé, c’est par coup de fil d’un ami, qui va m’annoncer la nouvelle du décès, du Professeur Côme Mankassa en France, le 14 juillet aux environs de 20h58 minutes.|Aimé Makiza(AEM)