Joseph Kabila : C’est, peut-être, déjà trop tard

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Il vient de s’écouler une semaine dense sur le pan diplomatique pour la RDC : une sanction américaine contre le général Kanyama, la déclaration de Kikaya Bin Karubi émissaire de la RDC aux Etats-Unis qui confesse n’avoir pu empêcher cette sanction décidée par Barack Obama lui-même, la résolution des parlementaires européens qui demandent à Joseph Kabila de démissionner dès la fin de son mandat, constat de violations des droits de l’homme par une mission de l’Union européenne, reconduction des  sanctions ciblées par le  conseil de sécurité, la déclaration du président congolais dénonçant le slogan « Wumela » de ses apologistes qui l’incitent à traverser le  temps… Les pressions américaines et européennes manifestement concertées ne vont sûrement pas s’estomper devant le contre-feu allumé par le président congolais.

Le fait que les Etats-Unis mentionnent la répression de janvier 2015 comporte deux indications. D’abord, l’évocation de ces événements laisse penser que ce dossier est suffisamment documenté et que certains devront s’en expliquer une fois qu’ils ne seront plus aux responsabilités, comme ce fut avec Jean-Pierre Bemba. Pas sûr alors que Kanyama soit considéré comme le seul et principal responsable des morts déplorés. Ensuite, il est probable que le report inévitable des élections va occasionner des manifestations. Les Américains essayent de prévenir la récidive alors que la police nationale a été conséquemment dotée en équipements anti-émeutes.

Face à la sanction américaine dont la sévérité réside plus dans les perspectives qu’elle laisse entrevoir que dans ses conséquences directes, la réaction de Kinshasa montre que le régime prend l’avertissement au sérieux. Habitué à brandir la souveraineté du pays face à  ce genre de pressions et même si le ministre de la communication a jugé la sanction américaine « inadmissible et ridicule », Joseph Kabila n’en a pas moins dépêché son conseiller diplomatique à  Washington pour essayer de l’éviter mais  en vain comme l’a avoué ce dernier dans une interview à Jeune Afrique : « Dès mon arrivée à Washington, le 21 juin, les autorités américaines m’avaient déjà fait savoir qu’il s’agissait d’une décision du président Barack Obama lui-même. Un executive order qui n’était pas soumis à l’appréciation de la Chambre des représentants ni du Sénat. »  Il n’en fallait pas plus pour que Kabila désavoue, pour la première fois, ceux qui par le slogan « Wumela » le poussent à tenter un glissement ou un référendum pour rempiler en contournant la constitution.

Ses détracteurs ne croient que moyennement Joseph Kabila quand il déclare : « Nous sommes en démocratie, les élections auront lieu et je vous invite à vous enrôler dès le mois de juillet ». Discours peu crédible car le chef de l’État congolais ne précise toujours pas si ça le sera dans les délais constitutionnels, or c’est ce qui génère des crispations et des tensions qui font du pays une cocotte-minute prête à  exploser. La tentative de décrispation intervient trop tardivement. Depuis le livre d’Evariste Boshab sur la révision constitutionnelle jusqu’à l’appel à un référendum en passant par l’échec de la révision de la loi électorale, Kabila a poussé ou laissé faire ses lieutenants pro-glissement et pro-révision constitutionnelle. Pas que ses collaborateurs politiques, les tenants de la  sécurité et de l’ordre public n’ont pas été irréprochables sur certaines affaires pas élucidées, insuffisamment traitées ou enterrées : Floribert Chebeya, Armand Tungulu, Janvier 2015, les charniers de Maluku, le trafic d’armes dans le  Nord-Est… Des tas de dossiers qui attendent peut-être sagement à la CPI le temps que l’alternance se fasse.|Botowamungu Kalome(AEM)