Atacha Kimbembi : « Les salles désemplissent, les moyens inexistants , le théâtre se meurt… »

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Jeune scénariste et metteur en scène, Atacha Joseph Kimbembi Wa Gihunga est sociétaire du Théâtre national de la République démocratique du Congo depuis 2009. Il livre ses impressions sur le niveau actuel du théâtre congolais et propose des pistes de solutions.

AFRIQU’ÉCHOS MAGAZINE(AEM): Qu’est-ce qui vous a poussé à faire ce métier ?

ATACHA JOSEPH KIMBEMBI WA GIHUNGA (AJKG): J’ai eu des modèles qui m’ont influencé tel que mon père Mashini qui fut metteur en scène, scénariste et réalisateur. Il y a également Tshitenge Nsana, réalisateur du Théâtre Salongo de la Radio et Télévision nationale congolaise dont mon père fut l’assistant. Tout petit, j’allais assister aux tournages de ce groupe de théâtre. C’est de là que m’est venu le goût du cinéma et du théâtre

AEM: Qu’avez-vous fait pour y arriver ?

AJKG: J’ai passé 5 ans à étudier l’art dramatique à l’Institut national des arts après une année académique passée à la Faculté de droit de l’Université de Kinshasa. Au départ, j’avais une idée vague de ce que j’allais faire. Je voulais faire du cinéma mais à l’époque il n’y avait pas une section cinéma à l’INA. Je me suis alors lancé dans le théâtre, une discipline qui m’a ouvert beaucoup d’horizons. Cette formation m’a permis d’avoir une bonne vision du cinéma. J’ai commencé au graduat par l’art dramatique et en licence, j’ai obtenu un diplôme en réalisation scénique option mise en scène.

AEM: À quand vos débuts professionnels ?

AJKG: J’ai débuté dans des écoles avant d’aller en 2006 à RTNC 2. A cause d’une situation contractuelle précaire, je me suis orienté en 2009 vers le Théâtre national où j’y suis jusqu’à présent.

AEM: Combien de pièces avez-vous déjà mis en scène ?

AJKG: J’ai déjà mis en scène ‘’Au nom du peuple’’ de Hamed Diane Cissé et ‘’La foire des pharaons’’ du Professeur Yoka Lye Mudaba. Actuellement, je prépare ‘’Œdipe Roi’’ de Sophocle.

AEM: Comment vous vous y prenez encadrer des comédiens chevronnés membres du Théâtre national ?

AJKG: Les débuts n’ont pas été faciles. J’étais confronté à des acteurs chevronnés avec 30 ans ou plus de carrière qu’il fallait diriger alors que je n’étais qu’un petit poucet qui débutait. Aujourd’hui, tout va bien. Le respect est venu lorsqu’ils ont réalisé que je maitrisais mon sujet.

AEM: Comment se porte le théâtre congolais ?

AJKG: Dans le positif, il y a un engouement dans le domaine de l’art dramatique. Donc ça évolue en termes du nombre des apprenants et des pratiquants. Cependant, cet art ne nourrit plus son homme et beaucoup ont migré vers le cinéma. Les salles se désemplissent en plus du manque des infrastructures et de sponsors.

AEM: Dernièrement, vous aviez accueilli Globe théâtre de Londres à Kinshasa, pouvez-vous nous parler de cette collaboration ?

AJKG: C’est une troupe shakespearienne de Londres qui était en tournée mondiale et c’est un ami metteur en scène allemand qui leur avait conseillé de me voir pour l’organisation de leur tournée à Kinshasa à l’occasion du 400ème anniversaire de la mort de Shakespeare.

AEM: Qu’avez-vous appris à leur contact ?

AJKG: L’art est un langage non seulement verbal mais aussi corporel. C’est une expression et c’est l’action qui caractérise l’art. Malgré la barrière de la langue, à travers l’expression corporelle, les mimes, j’avais compris de quoi il s’agissait. J’ai appris à me baser sur l’expressif, le corporel sans négliger l’aspect linguistique. Il y avait une certaine fluidité et souplesse dans leur manière de faire, surtout dans le changement de décors. On sentait facilement qu’il y avait une direction des acteurs et que les matériels utilisés pour la scène étaient variés.

AEM: Avez-vous des projets en vue ?

AJKG: Il y a un voyage en vue pour Londres vers la fin de l’année. On hésite encore sur la pièce à présenter entre ‘’Roméo et Juliette’’ montée par le Prof Joseph Ndundu et ‘’Macbeth’’ que je suis en train de monter.

AEM: Auriez-vous un message personnel ?

AJKG: Hormis la structure de production et de diffusion théâtrale et cinématographique que je compte monter, j’ai deux projets de films et un de théâtre ‘’Œdipe Roi’’.

AEM: Que faire pour promouvoir le théâtre congolais ?

AJKG: En premier lieu, il faut construire des infrastructures, donc des salles de théâtres. Ensuite remettre la gestion des salles de spectacles existantes aux mains des professionnels du théâtre. Il faut également des mécènes et des sponsors pour appuyer les professionnels du secteur. À l’époque des ainés comme Mutombo Buitshi, Mikanza, etc., il y avait des sponsors maintenant plus rien. Voire le Théâtre national ne reçoit plus régulièrement les subventions. Au niveau de la créativité, il existe des pièces de qualité et qui peuvent faire revenir le public dans des salles de spectacles et rentrer l’argent dans les caisses de l’État. Mais cela nécessite un appui du gouvernement et un apport des sponsors.|Herman Bangi Bayo (AEM)