France : une présidentielle pas folichonne sans réel enjeu

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Avouons-le, politiques, militants et intellectuels ont exagéré sur « le fascisme, le racisme et la xénophobie » qui menaceraient la France en cas de victoire de Marine Le Pen à la présidentielle française. Alors que d’élections en élections, le Front National engrange des suffrages, gagne des mairies, aligne des députés aux parlements français et européen, tout le monde feint d’oublier cette réalité devenue banale. Absents pour la  première fois du deuxième tour d’une présidentielle, les deux grands partis espèrent une victoire par procuration en gesticulant sur le refrain : « Il faut faire barrage à l’infamie ». Et jouent même à  culpabiliser les honnêtes citoyens tentés par l’abstention  en les accusant de faire le jeu du parti lepéniste alors qu’ils ont eux-mêmes, dans une certaine mesure, fait le lit de ce mouvement politique. Au bout d’une présidentielle fade, au rabais et sans suspense, à peine rehaussée par le sémillant Jean-Luc Mélenchon, la France ne sera pas plus qu’avant, ni moins que maintenant, sous l’emprise du racisme et de la xénophobie.

Pour schématiser un peu les choses, on dira que le futur président de la République française est passé de sa chambre d’étudiant au palais de l’Élysée. Sans passé militant ni  politique, Macron ne compte aucun mandat électif même pas celui du représentant des habitants de sa cage d’escalier. Le gendre idéal a traversé le champ des décombres politiques sans la moindre boue ou poussière sur ses chaussures et sans devoir même remettre en place une mèche. Imperturbable et même trop sûr de lui, à peine a-t-il remarqué la verve et l’outrance de Marine Le Pen qui avait reçu l’onction politique dans son berceau et ses mandats en héritage familial. La victoire de Macron n’entraînera pas une quelconque révolution tout comme, si par pur hasard elle gagnait, Marine Le Pen n’aura jamais la majorité parlementaire nécessaire qui lui permettrait de réaliser même 1 % de son programme. L’honnêteté  intellectuelle commande de dire que la menace est surévaluée… à dessein. Malgré un chômage galopant, des attaques terroristes, la poussée de l’extrême droite en France a été plutôt plus contenue que dans beaucoup de pays européens.

Les législatives : la mère des batailles

L’on parle souvent en France de la lepénisation des esprits pour nommer la  multiplication des propos et attitudes racistes et xénophobes, mais l’on ne souligne pas assez la sous-traitance de cette lepénisation par les partis dits républicains à travers de petites phrases et des initiatives politiques que ne renieraient les Le Pen : ministère de l’identité nationale, tests ADN pour le regroupement familial, l’inscription dans la constitution de la déchéance de la nationalité, l’interdiction du burkini, l’affaire du pain au chocolat, les bruits et les odeurs, la misère du monde, les sauvageons…

Le vrai enjeu politique de cette année 2017 réside dans les résultats des législatives à venir. Si son mouvement En Marche n’obtient pas la majorité absolue, Emmanuel Macron, le futur président de la République va devoir composer et renoncer à son ambition de « la réfondation de la vie politique autour de sa personne » et son programme en subira forcément des inclinaisons qui seront autant de renoncements. L’ancien banquier a promis de renouveler le personnel et les pratiques politiques ? De Madelin, Raffarin, Bayrou, Corinne Lepage à Robert hue en passant par Cohn-Bendit, Gérard Colomb, Chevènement et Jean-Yves Le Drian, on est plus proche de Jurassic Park que de l’arche de Noé.|Botowamungu Kalome (AEM)