État de siège : ce qu’aurait pu être le « service après-vente»

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« Je t’aime à en mourir », « Je suis prêt à mourir pour toi », « Je t’offrirai la lune » : ces déclarations enflammées des amoureux ont trouvé leurs traductions dans la vie politique congolaise : « Je suis prêt à mourir pour la paix dans l’Est de la RDC », « Je ferai de la RDC l’Allemagne de l’Afrique ». Pour réaliser une de ces promesses, Félix Thisekedi a décidé de recourir à l’état de siège. Trois mots, comme une formule magique, qui ont déclenché un vent d’optimisme et une ferveur jamais connus depuis les éphémères épopées de Mbuza Mabé et de Mamadou Ndala dans le Grand Kivu. Les manifestations de soutien à l’armée, des plus folkloriques aux plus opportunistes, se multiplient à Kinshasa, la capitale. Cependant, combien de Congolais, politiques, intellectuels ou journalistes maîtrisent les contours précis de cet état de siège ? Combien seraient en mesure d’expliquer comment en 30 petits jours, l’armée congolaise  éliminerait tous les groupes rebelles et ouvrirait la voie à une paix durable ?

L’opinion a globalement retenu deux caractéristiques de l’état de siège : le remplacement des gouverneurs élus par des gouverneurs militaires nommés ainsi que le transfert de la mission de la sécurisation des biens et des personnes de la police à l’armée. Dès lors, plusieurs questions émergent : Quelle gestion des budgets de ces provinces ? Auprès de qui la population porterait plainte en cas de vol de poule ou de viol ? Quel lien avec les cours et tribunaux ? Quelle collaboration avec les douanes, l’OCC, les services d’immigration et les services d’intelligence ? La liberté de presse serait-elle circonscrite dans un périmètre réduit ? Les militaires feraient-ils des journalistes des alliés contraints ? Enfin, quels seraient les mécanismes de contrôle de la gestion et du comportement des militaires ?

Si j’étais Félix Tshisekedi

Au lendemain de la proclamation de l’état de siège, le président aurait pu demander au premier ministre de mettre immédiatement sur pied un comité interministériel composé des ministres de la défense, de l’intérieur, de la justice, du budget, des finances et des affaires étrangères. Cette sorte de Task Force aurait été chargée de mobiliser des moyens exceptionnels nécessaires pour optimiser l’action des Fardc (Forces armées de la République démocratique du Congo ) mais également de penser l’organisation politique, administrative et judiciaire adéquate dans les régions concernées pour que la continuité de l’État ne toussote.

Gérer des entités administratives et les finances publiques n’est pas le propre des généraux. De même quand on confie les missions de la police à des militaires pas spécialement préparés, il conviendrait de prévenir des dérapages. Outre assurer la mobilisation, l’affectation et la gestion saine des moyens à la hauteur du défi, ce comité interministériel établirait un vade-mecum précisant le nouveau fonctionnement des services qui dépendent de ces ministères dans les zones concernées. Il s’agirait d’une sorte d’«État de siège : mode d’emploi ».

Si j’étais le ministre de la communication et/ou l’éducation nationale

L’adhésion de la population à une telle mesure exceptionnelle n’est, certes, pas requise, mais il importerait au moins d’en préciser tous les tenants ainsi que les incidences directes pour ne pas en rajouter aux incertitudes et aux traumatismes dans ces zones déjà en proie à la peur. Le ministre en charge des médias aurait, en effet, pu s’affranchir de la culture ndombolo et organiser une campagne ajustée sur l’explication de l’état des sièges. Des messages courts, clairs dans les langues des zones concernées auraient ainsi pu être diffusés pour familiariser les populations à cette organisation administrative d’exception.

Si j’étais le ministre ayant l’éducation nationale en charge, j’aurais saisi cette occasion pour demander qu’un chapitre spécifique sur l’état de siège soit introduit dans les cours qui traitent du civisme et de la territoriale. Cela, de l’école jusqu’à l’université. Injecter dans l’enseignement des problématiques qui découlent de l’actualité serait souligner la nécessité de consacrer un enseignement dynamique qui colle à son temps pour anticiper sur les enjeux de demain.

Puisque je ne suis pas tout cela, puisque je ne suis qu’un modeste ouvrier passionné de journalisme, je me contenterais d’inviter consoeurs et confrères à préférer la vulgarisation aux slogans.

Tiens, un dernier « Si j’étais » pour la route : si j’étais Félix Tshisekedi, j’aurais décrété d’emblée cet état de siège pour 6 mois minimum, car la guerre est une affaire trop sérieuse et trop complexe pour se donner une si courte marge temporelle.| Botowamungu Kalome (AEM)